Sur saint Venceslas, le « prince éternel des Tchèques », voir 1, 2, 3, 4…
Le martyrologe romain évoque aussi en ce jour saint Exupère, évêque de Toulouse, dont saint Jérôme a parlé trois fois dans ses lettres.
Le martyrologe fait également mention de sainte Eustochium :
A Bethléem de Juda, sainte Eustochium vierge. Elle se rendit de Rome en Palestine, avec sa mère la bienheureuse Paula ; là elle fut élevée avec d’autres vierges auprès de la crèche du Sauveur, puis s’en alla vers le Seigneur, parée de ses éclatants mérites.
C’est à Eustochium que saint Jérôme envoie en 384 une très longue lettre qui est un véritable traité de la virginité. Le 29 juin de cette année-là, il lui envoie un billet, un « compliment », peut-on dire, où il montre tout son talent littéraire (avec la double variation sur bracelets-lettres-colombes), sa connaissance de la Bible, son goût pour l’étymologie, sans jamais oublier la nécessité de l’ascèse… (Jérôme est alors à Rome. Il retournera en Terre Sainte un an plus tard, où il sera bientôt rejoint par Paula et Eustochium.)
Petits par l’apparence, mais grands par l’affection dont ils témoignent, sont les présents que j’ai reçus d’une vierge : bracelets, lettres et colombes. Et parce que le miel ne saurait être offert en sacrifice à Dieu, son excessive douceur a été habilement modifiée et, pour ainsi dire, épicée par l’âcreté du poivre. A Dieu, en effet, rien ne peut plaire qui soit voluptueux ou tellement sucré, rien qui ne contienne un peu du mordant de la vérité : la Pâque du Christ se mange avec des condiments amers.
C’est jour de fête. La « nativité » de saint Pierre doit être chantée sur un ton plus festival qu’à l’ordinaire ; sans pourtant qu’un discours trop plaisant ne s’écarte de l’essentiel (je veux dire des Ecritures), ou que nous nous égarions trop loin de la palestre où nous nous exerçons. Dans Ezéchiel, Jérusalem est ornée de bracelets ; Baruch reçut des lettres de Jérémie ; et c’est sous l’espèce d’une colombe que descend l’Esprit Saint. Et pour que tu ressentes un peu la morsure du poivre et que tu renouvelles le souvenir de mon précédent ouvrage : veille à ne pas perdre les ornements de ton travail, que symbolisent les anneaux des bras ; ne déchire pas l’épître de ton cœur, comme fit avec le rasoir un roi impie de celle que lui remettait Baruch ; et ne mérite pas, à l’instar d’Ephraïm, d’entendre la parole d’Osée : « tu es devenue sotte comme une colombe ». Ces mots sont trop sévères, diras-tu, et peu convenables pour un jour de fête. Mais tu m’as toi-même provoqué par de tels présents ; puisque tu as associé des éléments amers aux sucrés, tu recevras aussi de nous la pareille : l’amertume accompagnera la louange.
Cependant – car je ne veux pas paraître déprécier tes cadeaux – nous avons aussi reçu une corbeille remplie de cerises si belles et comme rosies de pudeur virginale, que je les ai crues importées tout à l’heure par Lucullus lui-même (c’est lui qui a le premier apporté cette sorte de fruits de Cérasonte à Rome, après avoir subjugué le Pont et l’Arménie, et l’arbre a tiré son nom de son pays d’origine). Nous trouvons, en lisant l’Ecriture, une corbeille pleine de figues, mais il n’y est pas question de cerises. Aussi louerons-nous l’offrande par l’offrande elle-même, et nous te souhaitons d’être de ces fruits qui sont dans le voisinage du Temple, de qui Dieu dit : « ce qui est bon est très bon ». Le Sauveur n’aime pas le médiocre ; il ne rejette pas ce qui est froid et se délecte dans ce qui est chaud, mais il affirme dans l’Apocalypse qu’il vomira les tièdes. Veillons donc avec soin à célébrer une solennité moins par l’abondance des mets que par la joie spirituelle. Il est, en effet, parfaitement absurde de prétendre honorer, en nous rassasiant à l’excès, un martyr que nous savons avoir plu à Dieu par ses jeûnes. Tu dois toujours manger de telle sorte que la prière et la lecture puissent suivre immédiatement le repas. Cela déplaît-il à quelques-uns, dans ce cas chante les paroles de l’Apôtre : « si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas la servante du Christ » !
(Traduction de Jérôme Labourt, Les Belles Lettres.)