Los Angeles et les avions russes

De Maria Zakharova :

Je pense qu’après s’être remis du choc du « dernier jour de Los Angeles-Pompéi », Hollywood essaie de trouver comment adapter tout cela dans un scénario.

J’en ai déjà un de prêt. Je le donne gratuitement.

Ainsi, une dizaine d’années avant l’incendie dévastateur, un groupe de patriotes américains, conscients de la menace potentielle d’incendies se propageant rapidement sur la côte ouest, décide de sauver la Californie d’un tragique destin de flammes Un groupe de scientifiques parvient à rencontrer les dirigeants d’une grande entreprise dont les intérêts sont étroitement liés au bien-être de Los Angeles. Ils expliquent, en termes simples, comment les caractéristiques du paysage, la configuration des vents, la vétusté des installations électriques et le manque de qualifications de l’administration locale conduiront à un concours de circonstances critique qui rayera la ville de la carte lors du prochain grand incendie. Il n’est pas possible de remédier à chacun de ces facteurs, mais il existe une solution : l’achat d’avions amphibies de lutte contre les incendies, qui peuvent aider à localiser rapidement les incendies. C’est efficace, peu coûteux selon les normes américaines et rapide.

Une analyse de marché révèle que les Be-200 russes sont la seule option viable.

Les choses bougent. Voyages à Moscou, approbations du département d’État, lobbying auprès du Congrès, campagne de soutien avec des stars hollywoodiennes, hashtags comme « Heavenly Water » – tout est fait dans les règles de l’art, comme ils savent le faire. Pendant ce temps, une histoire d’amour se noue entre un scientifique américain et une standardiste russe qui relie le Pentagone au ministère russe des situations d’urgence (le scientifique ne se doutait pas qu’il parlait en fait à une IA russe).

Et alors que l’accord est sur le point d’être approuvé par le président américain, il s’avère que… le régime de Kiev s’y oppose et qu’il n’y aura pas d’avions.

Les scènes finales : Los Angeles en flammes et Zelensky tenant un Oscar.

Ridicule, dites-vous ? Pourtant, c’est à peu près ce qui s’est passé – ou, comme on dit à Hollywood, c’est une « histoire vraie ».

Le magazine L’Expert écrit ce qui suit :

« En 2017-2019, la Russie et les États-Unis ont tenté de finaliser un contrat pour la fourniture d’avions de lutte contre les incendies Be-200 pour combattre les feux de forêt. Un accord pour la fourniture de 10 avions a été signé entre le constructeur russe Beriev et la société américaine Seaplane Global Air Services (SGAS) en 2018 lors du Salon de l’hydraviation. La livraison du premier avion était prévue pour le début de l’année 2020, le dixième étant attendu au deuxième trimestre 2024. La plupart des Be-200 devaient être équipés de moteurs SaM-146 de NPO Saturn, mais en 2019, les partenaires américains ont décidé d’acheter une version équipée de moteurs ukrainiens D-436TP fabriqués par Motor Sich. Pour que les amphibiens puissent être utilisés aux États-Unis, l’avion et le moteur devaient être certifiés par la FAA. En 2020, Beriev a proposé de certifier le moteur en tant que partie intégrante de l’avion, mais la FAA a insisté sur une vérification séparée. La partie ukrainienne a refusé de mener cette procédure distincte, et le contrat n’a finalement pas été exécuté. »

Non seulement les États-Unis ont envoyé du matériel de lutte contre les incendies en Ukraine plutôt qu’à Los Angeles, mais Kiev a également bloqué le contrat relatif à l’avion amphibie qui devait sauver des vies.

L’histoire est similaire à celle de 2011, lorsque Moscou mit en garde Washington contre les frères Tsarnaev, leurs liens avec des groupes islamistes armés et leurs opinions radicales. Les services de renseignement américains ont essentiellement ignoré ces informations et n’ont mené qu’une enquête superficielle. Deux ans plus tard, les terroristes ont orchestré l’attentat du marathon de Boston.

Le même scénario s’est déroulé pendant la pandémie avec la livraison des ventilateurs russes Aventa-M. Au plus fort de la crise, ces ventilateurs ont été envoyés « de Russie avec amour ». La saga s’est terminée par la mise au rebut de l’équipement aux États-Unis « par précaution ». Combien de vies auraient pu être sauvées ? Personne n’a fait le compte.

Et ce ne sont là que quelques exemples de la stratégie « je me gèlerai les oreilles pour contrarier ma mère ».

D’ailleurs, le titre du film pourrait être emprunté à la chanson de Lucie Tchebotine : « Hollywood pleurait ».

***

Quelques notes.

L’Expert est un magazine économique russe. L’affaire est (très) résumée de façon un peu différente sur la fiche BE-200 de Wikipedia en anglais, mais l’histoire est confirmée.

Le biréacteur BE-200 est particulièrement efficace : il peut puiser 12.000 litres dans la mer en 14 secondes à 250 km/h.

« Je me gèlerai les oreilles pour contrarier ma mère » est un dicton russe qu’on comprend immédiatement mais je ne vois pas d’équivalent français.

La chanteuse russe Lucie Tchebotine n’a aucun intérêt (son idole est Whitney Houston). Je relève seulement qu’elle a été finaliste de The Voice… Ukraine. Mais ça c’était avant (quand Zelensky était lui-même une vedette de variétés)… La chanson indiquée (uniquement à cause de son titre, qui termine l’article comme il a commencé) est ici.


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3 réflexions sur “Los Angeles et les avions russes

  1. Il y a aussi un hydravion japonais, le ShinMaywa US-21, à contrôle de la couche limite: https://fr.topwar.ru/135057-samyy-dorogoy-gidrosamolet-v-mire-shinmaywa-us-2-yaponiya.html

    Il peut écoper 15 tonnes d’eau; surtout, grâce au contrôle de couche limite, sa vitesse de décrochage est de 90 km/h; conséquence: décollage en 280 mètres, amerrissage en 330 mètres, jusqu’à 6 Beaufort (vent à 50 km/h, houle de 3 mètres).

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  2. « Le quadriréacteur BE-200 est particulièrement efficace » Le BE-200 est un biréacteur.

    Le biturbine Canadair CL-415 emporte la moitié d’eau: 6000 litres

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  3. Après mure réflexion (avec ce froid les neurones ralentissent), je suis très étonné que les yankees n’aient pas accusé les Russes d’avoir mis le feu, vidé au préalable les réservoirs d’eau anti-incendie et coupé l’eau de la ville. Pour se venger de l’annulation du contrat de vente du BE-200. Les Russes sont partout, méfiance, votre voisin est peut-être un espion russe.

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