L’Association des journalistes orthodoxes ukrainiens publie de temps en temps des articles de spiritualité de très haute tenue. Voici celui qui a été publié hier.
Dialogue avec le starets Joseph : « Seule la porte étroite mène au paradis »
Cette nouvelle conversation avec le moine athonite sera consacrée à l’essence même de la vie spirituelle : la lutte contre les passions et le dépassement des tentations.
Au cours de notre dernière conversation, le starets Joseph nous a révélé une vérité simple, mais très importante « La destinée de l’homme est de trouver Dieu. » Et le signe certain que cette quête a été couronnée de succès est le don de la grâce purificatrice que le Créateur accorde en réponse à la repentance.
Chacun de nous connaît ce sentiment de première grâce après la prière, la confession, la communion. En théologie, on l’appelle encore la grâce qui appelle. Par elle, le Seigneur, dans sa grande miséricorde, nous dévoile le mystère de son Royaume et, d’une voix douce de bonnes pensées, nous incite à mener une vie pieuse.
Mais ce sentiment de grâce est toujours temporaire.
L’abondance des dons spirituels conduirait l’homme à la présomption, et leur absence au découragement. C’est pourquoi Dieu donne ses bienfaits avec mesure.
C’est ce qu’écrit l’apôtre Paul, se souvenant comment, dans les tourments causés par « une écharde dans la chair », il a imploré trois fois le Christ de l’aider, ce à quoi il a reçu cette réponse : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
Le chrétien est un héros qui repousse les flèches du diable
Ce « dard dans la chair » dont se plaint l’apôtre est enfoncé en chacun de nous. Ce sont les tentations et les épreuves dont l’« ange de Satan » bombarde quotidiennement notre âme. Dieu permet cette lutte douloureuse afin que nous humiliions notre orgueil et ne nous exaltions pas. Notre tâche, en tant que disciples assidus, est de repousser les flèches tentatrices par la force de la prière et de l’humilité.
Le starets hésychaste Joseph dit ceci à propos de cette lutte invisible :
« L’ennemi, étant ingénieux, sait bien se cacher derrière les passions et les faiblesses. » Et il conseille : « Pour le vaincre, tu dois lutter contre toi-même, te tuer [spirituellement]. Quand l’homme déchu mourra, alors le pouvoir de l’ennemi et de l’adversaire sera aboli. »
Le chrétien est appelé à ressembler aux héros légendaires dans son courage. Mais, malheureusement, nous percevons rarement la vie ecclésiale comme une lutte spirituelle. Il nous est plus facile de « réciter » une règle, de « supporter » un office, que de travailler à l’éradication de nos passions. L’âme d’un homme paresseux, même comblée de grâce, est semblable à une orchidée choyée : sans soins minutieux, elle se flétrit rapidement et ne porte pas de fleurs.
Le Christ a dit que deux chemins s’offraient à l’homme « Entrez par la porte étroite, car large est la porte et spacieux est le chemin qui mènent à la perdition… étroite est la porte et étroit le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent » (Mt 7, 13-14).
Et le starets Joseph, poursuivant ces paroles, s’adresse à chacun de nous avec une amour paternel :
« Mon enfant ! Oblige-toi dès le début à entrer par la porte étroite, car seule elle mène au paradis ! »
« Ne te couvre pas de feuilles, mais étends tes racines en profondeur »
Lorsque le croyant prend conscience de la profondeur de sa chute, il éprouve un désir ardent de se libérer de l’emprise des passions. Mais dans la pratique, ce n’est pas facile. La vie pécheresse ressemble à du sable mouvant : plus on y reste longtemps, plus on s’enfonce. Si un homme vit de manière relâchée, comptant sur un « heureux hasard » pour le sauver, il se trompe profondément.
Souvent, nous construisons notre vie spirituelle de manière superficielle, sans poser de fondations solides. Mettant en garde contre un tel formalisme, le vieil homme Joseph dit :
« Ne te couvre pas de feuilles, mais étends tes racines profondément pour trouver la source. Ainsi, tu puiseras de l’eau et tu grandiras sans cesse. Ainsi, quand la sécheresse viendra, tu ne subiras aucun changement. »
Mais comment trouver cette source inépuisable dans le désert de la vie quotidienne ? La réponse est donnée par le confesseur de l’Athos lui-même. « Avant tout, acquiers une obéissance parfaite et sans discussion à tous. De là naît l’humilité », commence le vieillard.
Nous, laïcs, ne devons pas prendre cet appel au pied de la lettre, à la manière des moines. Notre obéissance principale est l’obéissance à la volonté de Dieu, que le Seigneur nous révèle à travers les circonstances de la vie. L’humilité devant tout ce que Dieu nous envoie, que ce soit joyeux ou triste, fait naître dans l’âme un sentiment de gratitude.
« Si tu acquiers cela, souligne le saint hésychaste, tu ne craindras plus les changements, car tu deviendras un homme d’une autre nature. Les propriétés de ta nature seront transformées par la grâce. »
L’ascèse protège les fruits de l’Esprit contre la sécheresse
Selon le vieillard, l’humilité est la racine qui permet à l’âme de se fortifier dans la piété. Alors, l’arbre de l’âme portera nécessairement des fruits, c’est-à-dire des vertus. Et les différents exercices spirituels, comme les feuilles, préserveront ces fruits de la sécheresse.
Joseph l’hésychaste appelle cette spiritualité pratique, l’ascèse, « la règle ». Il y inclut la prière, la lecture et les œuvres coriporelles. Voici les instructions données par le confesseur :
« Que le psalmodie soit accomplie avec humilité. Que l’esprit s’efforce de saisir le sens de la prière. Que la lecture soit également faite avec beaucoup d’attention… Le corps doit lutter de toutes ses forces, être toujours asservi à l’esprit. Que tu manges ou que tu travailles, ne cesse pas la prière de Jésus. »
Où que vive l’homme, au monastère ou dans le monde, ces conseils sont toujours d’actualité. Le jeûne corporel sans jeûne spirituel ne diffère guère d’un régime alimentaire. Et le jeûne spirituel sans jeûne corporel est comme un vol en avion sans carburant : peu importe combien de temps tu as prévu de rester en l’air, tôt ou tard, tu t’écraseras.
Le vieillardJoseph nous appelle à une croissance spirituelle complète. Il est convaincu que la graine de l’obéissance fera pousser les racines de l’humilité. L’humilité deviendra le fondement des vertus. Et l’ascèse protégera ces vertus contre les démons nuisibles et la chaleur du péché. Alors, l’arbre de l’âme, même s’il pousse dans le désert, résistera, et le Jardinier attentionné, le Seigneur, l’arrosera constamment de Sa grâce.
Sur ce, nous prenons congé du sage vieillard, en le remerciant pour ses précieux conseils. Il nous accompagne de paroles chaleureuses, que l’on retrouve souvent dans ses lettres : « Réjouis-toi dans le Seigneur, enfant du Père céleste ! »
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Merci. Je ne sais si la traduction de « héros légendaire » est la bonne dans « Le chrétien est appelé à ressembler aux héros légendaires dans son courage » mais elle dissone.
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Oui, si on pense aux héros païens et mythologiques, non si on pense aux martyrs et confesseurs de la foi.
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Littéralement « les bogatyrs des bylines ». Ce sont des héros de légendes chrétiennes ou christianisées.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Byline
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