La Sainte aimait beaucoup les fleurs. Elle en avait partout, dans son jardin, autour de son ermitage. Elle cultivait avec une sollicitude particulière un basilic très beau, qu’elle se proposait de porter à l’église quand il serait en pleine floraison. Peut-être s’y était-elle un peu trop attachée. Un matin, sans que le fait pût s’expliquer naturellement, le basilic se trouva déraciné et flétri. Rose se retirait tout attristée, lorsque Jésus se présenta à elle. « Eh quoi ! lui dit-il, vas-tu t’affliger pour la perte de cette plante, quand je te reste, Moi qui suis la fleur des champs et le lis de la vallée ? Tu es ma fleur, mais je veux que dans ton cœur il n’y ait place pour nul autre que pour Moi. »
Rose comprit la leçon, et s’appliqua si bien au détachement total et absolu, que le Seigneur pouvait dire, un peu plus tard, à une pieuse femme de Lima qui jouissait aussi des familiarités divines : « Je porte ma Rose dans l’endroit le plus intime de mon cœur, parce que le sien est tout à moi. » C’était vrai à la lettre. Le regard du Maître s’arrêtait donc sur cette petite fleur du parterre angélique, et bientôt un délicieux mystère d’amour allait s’accomplir en elle.
Un dimanche des Rameaux, après la bénédiction des palmes, les sacristains se répandirent dans l’église pour les distribuer au peuple. Tous les assistants reçurent la leur ; mais soit inattention, soit oubli, seule parmi ses compagnes, Rose n’eut point de part à la distribution commune. Ce fut avec grande confusion qu’elle suivit la procession les mains vides. Quand la cérémonie eut pris fin, elle accourut se réfugier dans la chapelle du Rosaire, et là, sous le regard de sa bonne Mère, donna libre cours à ses larmes. Puis, surmontant son chagrin : « A Dieu ne plaise, ô ma douce Souveraine, dit-elle, que je regrette plus longtemps une palme qui m’eût été donnée par une main mortelle ! N’êtes-vous pas le palmier magnifique qui embellit le désert de Cadès ? Vous me donnerez un de vos rameaux et celui-là ne se flétrira pas. » Soudain la Reine du ciel abaisse un regard joyeux sur l’Enfant Jésus qu’elle tenait dans ses bras et le reporte ensuite sur Rose avec une ineffable tendresse. Le divin Enfant la regarde à son tour et prononce distinctement ces mots : « Rose de mon cœur, sois mon épouse. » Hors d’elle-même, Rose s’écrie : « Je suis votre servante, Seigneur. Oui, si vous voulez ce que je n’oserais ambitionner, je serai à vous et vous demeurerai éternellement fidèle ! » — « Tu vois, ma fille, ajouta Marie, le rare honneur que Jésus a daigné te faire en te prenant pour épouse : pouvait-il mieux te prouver la grandeur de son amour ? » L’extase de Rose se prolongea longtemps, et son âme fut gratifiée d’une plénitude de dons célestes que la parole humaine est impuissante à décrire. A peine rentrée dans son ermitage, Rose pria l’un de ses frères de lui dessiner un anneau avec un emblème religieux, sans rien lui dire de la merveille accomplie en sa faveur. Celui-ci réfléchit quelques instants, et, saisissant un papier, y traça le dessin d’un anneau, orné d’un brillant sur lequel il écrivit le nom de Jésus. Rose lui demanda une petite inscription à l’intérieur du cercle : et sous le coup de la même inspiration, le jeune homme prit la plume et traça ces mots en exergue : Rosa cordis mei, tu mihi sponsa esto : « Rose de mon cœur, sois mon épouse. » La pieuse enfant ne fit rien paraître de sa surprise ; mais on devine sa joie et sa reconnaissance en entendant répéter et confirmer par son frère, ignorant de ce qui s’était passé, les paroles mêmes de son divin Époux. L’anneau fut fabriqué, l’inscription gravée, et la sainte fille le porta au doigt jusqu’à sa mort.
« Extrait biographique » par Sœur Marie Ancilla

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