L’offertoire, par les moines de Saint-Wandrille, en 1955, sous la direction de dom Lucien David.

Dans l’offertoire, nous adressons à la Mère de Dieu les paroles que le prophète Jérémie, durement éprouvé, adresse au Seigneur au nom de son peuple ingrat. Elle se tenait sous la croix de Jésus et regardait ses yeux vitreux. Elle l’entendait prier : « Père, pardonne-leur ! » Et elle priait avec lui. Elle intercède pour nous, pour nous qui sommes la cause de ces douleurs indicibles que son cœur maternel a dû supporter. Elle ne nous en veut pas, mais avec le cœur attentionné d’une mère, elle implore Dieu de détourner de nous sa juste colère.
Comme elle a prié autrefois sous la croix, elle prie maintenant pour nous au ciel, in conspectu Dei, devant la face de Celui qui ne souffre plus, mais qui est entré dans sa gloire. Aujourd’hui encore, pendant les saints mystères, elle intercède pour nous, et lorsque la cloche de la consécration annonce qu’Il est de nouveau présent parmi nous, Marie implore alors d’abondantes grâces en notre faveur. Tant qu’il y aura un cœur humain qui soupire, qui lutte et qui souffre, Marie ne se lassera pas d’intercéder pour lui, jusqu’au moment où elle nous conduira tous dans la présence bienheureuse de son divin Fils.
Dans quelques manuscrits anciens, le texte et la mélodie actuels se trouvent dans le deuxième verset de l’offertoire du vingt-deuxième dimanche après la Pentecôte. Dans le Codex H. 159 de Montpellier, cette composition a été insérée plus tard. Cette mélodie présente une technique d’exécution thématique comme peu d’autres. Sur le mot Recordare, la petite note mi forme le lien entre deux motifs, dont le premier sera appelé a et le second b. Sur la bisiropha et le pressus, qui doivent être bien séparés dans l’interprétation, le motif a a un mouvement ascendant vers la dominante, après quoi la mélodie descend d’une tierce. Le motif b présente un mouvement descendant puis ascendant. Sur Virgo Mater, les deux mêmes motifs sont répétés. Bona suit le motif b ; les trois notes précédentes font écho à une partie du motif a, tout comme les notes sur et ut aver(tat). Indignationem suam, avec la tierce mineure descendante do-la, répète le motif a de manière amplifiée. Si l’on inclut la tierce précédente, on obtient dans ce qui suit une cadence moyenne du cinquième mode.
L’emploi des deux motifs dans la vocalisation fleurie sur a revêt une grande valeur artistique. Avant d’atteindre fa, la mélodie descend d’une quinte vers la tonique ré. Le motif b commence sur le do aigu et se termine par une montée d’une tierce. Dans une montée brillante, le motif a est maintenant attaché une quinte plus haut, puis mène au motif b, qui commence sur do. Ce trope réalise pleinement la beauté inhérente à la mélodie.
La mélodie est caractéristique d’une supplication fervente. Avec ut loquaris, elle devient encore plus touchante. Indignationem suam fait entendre le cri d’un cœur torturé par le poids de la colère divine. Mais la mélodie confiante de Recordare revient, s’élève vers des sommets victorieux et puissants, puis s’éteint dans une expression de résignation tranquille.
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