Lettre de saint Cyprien, évêque de Carthage, à l’Eglise de Furni, diocèse suffragant de Carthage, dont la localisation est aujourd’hui inconnue (peut-être Furnos Majus, Aïn-Fourna).
Cyprien aux prêtres, aux diacres, et au peuple de Furni, salut.
Nous avons, nos très chers frères, été vivement peinés, mes collègues et moi, ainsi que les prêtres qui siégeaient avec nous, en apprenant que notre frère Geminius Victor, au moment de sortir de ce monde avait, par disposition testamentaire, désigné comme tuteur de ses enfants le prêtre Geminius Faustinus. Il y a longtemps qu’un concile a défendu de prendre un tuteur ou un curateur parmi les clercs, attendu que ceux qui ont l’honneur du divin sacerdoce, et sont engagés dans tes devoirs de la cléricature, ne doivent prêter leur ministère qu’au sacrifice et à l’autel et ne vaquer qu’à la prière. Il est écrit : « Un soldat de Dieu ne s’engage pas dans l’embarras des choses du siècle, s’il veut plaire à celui qui l’a enrôlé ». La recommandation est faite à tous, mais combien plus doivent-ils rester en dehors des embarras et du réseau des préoccupations profanes, ceux qui, voués à des occupations religieuses, ne peuvent s’éloigner de l’église, ni vaquer aux affaires du siècle. Telle est la discipline qu’ont observée les Lévites dans l’ancienne loi : les onze autres tribus se partagèrent le sol, chacune en ayant un lot; la tribu de Lévi, qui était consacrée au service du temple et de l’autel, n’entra point dans ce partage. Les autres vaquaient à la culture du sol : elle au culte divin uniquement ; et pour sa subsistance, les onze tribus lui servaient la dîme des fruits de la terre. Dieu avait voulu que tout fût ainsi réglé, afin que ceux qui se consacraient au service divin n’en fussent point détournés, et forcés de donner leurs pensées et leurs soins à des occupations profanes. C’est la même règle qui est encore suivie aujourd’hui pour le clergé : on veut que ceux que l’ordination a élevés au rang de clercs dans I’Église de Dieu ne puissent être détournés en rien du service divin, ni courir le danger d’être engagés dans les embarras et les affaires du siècle ; mais que plutôt, bénéficiaires des offrandes des frères, comme d’une sorte de dîme, ils ne quittent pas l’autel et le sacrifice, mais se consacrent jour et nuit à des occupations religieuses et spirituelles.
C’est à quoi nos prédécesseurs ont eu égard, quand ils ont pris la salutaire mesure de régler qu’aucun de nos frères ne pourrait, en mourant, nommer un clerc pour tuteur ou curateur, et que si quelqu’un le faisait, on n’offrirait point le saint sacrifice pour son repos. En effet, celui-là ne mérite pas d’être nommé à l’autel de Dieu dans la prière des prêtres qui a voulu éloigner de l’autel des prêtres et des ministres de Dieu. Voilà pourquoi, Victor ayant osé, contre la règle portée jadis par des évêques réunis en concile, établir tuteur le prêtre Geminius Faustinus, vous ne devez pas célébrer le saint sacrifice pour son repos, ni faire aucune prière pour lui dans l’église : ainsi sera observé par nous le décret saint et nécessaire que les évêques ont porté, et en même temps l’exemple sera donné à nos frères de ne point détourner les prêtres et les ministres de Dieu du service de son Église pour les engager dans des occupations séculières. En punissant la faute présente, on empêchera, en ce qui concerne les clercs, le retour de faits semblables. Je souhaite, mes très chers frères, que vous vous portiez toujours bien.
• Sur le martyrologe de ce jour.
• Le martyre de saint Cyprien.
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