
Ce démoniaque, que le Seigneur guérit en descendant de la montagne, saint Marc dit qu’il était sourd et muet ; saint Matthieu, qu’il était lunatique. Il nous paraît l’image de ces hommes dont il est écrit : « L’insensé est changeant comme la lune » ; de ceux qui, ne demeurant jamais dans le même état, portés tantôt à tels vices et tantôt à tels autres, semblent croître et décroître. Ils sont muets, ne confessant pas la foi ; sourds, n’entendant pas, jusqu’à un certain point, la parole même de la vérité. Ils écument, quand leur sottise les rend sans consistance, comme l’eau. C’est en effet le propre des fous, des malades énervés et des gens hébétés, de laisser échapper de leur bouche l’écume salivaire. Ils grincent des dents, lorsqu’ils sont enflammés par la fureur de la colère ; ils se dessèchent, lorsqu’ils languissent dans la torpeur de l’oisiveté, et ils vivent sans énergie, n’étant soutenus par aucune des forces de la vertu.
Cette parole : « J’ai dit à vos disciples de la chasser, et ils ne l’ont pu », accuse indirectement les Apôtres, quoique l’impossibilité de guérir soit rapportée parfois, non point à la faiblesse de ceux qui sont appelés à procurer la guérison, mais à l’état de la foi en ceux qui demandent à être guéris, le Seigneur ayant prononcé cette parole : « Qu’il te soit fait selon ta foi. » Jésus s’adressant à la foule, s’écria : « O race incrédule, jusqu’à quand serai-je avec vous Jusqu’à quand vous supporterai-je ? » Sa patience n’était ni lassée ni vaincue, car il est plein de bonté et de douceur lui qui, « semblable à l’agneau devant celui qui le tond, n’ouvrit pas la bouche », et n’éclata pas en paroles de colère ; mais, à la façon d’un médecin qui verrait son malade se conduire contrairement à ses prescriptions, le Sauveur semble dire : Jusqu’à quand viendrai-je en ta maison ? jusqu’à quel point perdrai-je les soins de mon art, car j’ordonne une chose et tu en fais une autre ?
« Il leur dit : Ce genre ne peut se chasser que par la prière et le jeûne. » En instruisant les Apôtres sur la manière dont le démon le plus méchant doit être chassé, Jésus-Christ nous donne à tous une règle de vie, afin que nous sachions que les tentations les plus fortes, provenant soit des esprits immondes, soit des hommes, doivent être vaincues par les jeûnes et les prières, et que la colère du Seigneur aussi, lorsqu’elle s’est allumée pour venger nos crimes, peut être apaisée par ce remède spécial. Or, le jeûne, en un sens général, consiste à s’abstenir non seulement des aliments, mais de tous les plaisirs charnels ; bien plus, à se défendre de toute affection au mal. Pareillement, la prière, en un sens général, ne s’entend pas seulement des paroles par lesquelles nous invoquons la clémence divine, mais aussi de tous les actes que nous accomplissons avec la dévotion de la foi pour servir notre Créateur.
Saint Bède le Vénérable, commentaire de saint Marc, III, 38, leçon des matines.
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