En novembre 2021, Jean-Claude Seknagi, 70 ans, est hospitalisé à l’hôpital Robert Ballanger, en Seine-Saint-Denis. Il souffre d’un grave problème urologique qui dégénère en septicémie. Il est alors admis en réanimation et placé dans un coma artificiel. L’établissement prévient son épouse et leurs trois enfants qu’en cas de dégradation de son état, il ne sera pas pratiqué « d’obstination déraisonnable ». Les soignants appliquent la loi d’euthanasie hypocrite Claeys-Leonetti. La décision de débrancher doit être prise collégialement, en prenant en compte la décision du patient. Jean-Claude Seknagi réaffirme sa volonté de vivre le 22 décembre, dans un moment de conscience. Malgré cela, le 21 février 2022, les médecins annoncent qu’ils vont le débrancher, en raison de son état de santé qui se dégrade. La famille saisit en urgence le tribunal administratif de Montreuil et le 24 février, les juges suspendent la décision d’arrêt de traitement en attendant qu’un expert se prononce sur le dossier. Entre-temps, l’état de Jean-Claude Seknagi s’améliore. Il sort du coma et est hospitalisé à domicile en septembre. Trois ans plus tard, un de ses enfants témoigne : son père est « handicapé, oui, mais bien vivant et heureux d’être avec nous sa famille alors que les médecins l’avaient condamné ».
Aujourd’hui, la famille saisit la justice pour obtenir une indemnisation de l’hôpital. « Si nous avons saisi une nouvelle fois la justice, c’est aussi pour que notre histoire serve d’exemple et contribue à informer les gens sur leur droit car je reçois beaucoup de messages de personnes qui vivent ce que nous avons traversé, précise Ilan, un des fils de Jean-Claude. Je ne connais rien en médecine, mais j’estime que si un malade a décidé de se battre, le médecin doit respecter sa volonté. Ce n’est pas à ce dernier de juger ce qui est déraisonnable ou pas et qui doit vivre ou mourir. »
Le tribunal administratif de Montreuil a examiné le 8 octobre la requête de la famille de Jean-Claude Seknagi contre l’hôpital Robert Ballanger. La décision devrait être rendue d’ici deux semaines.
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Je me permets une petite mise au point. On peut tout à fait « débrancher » un malade pour laquelle il n’y a plus d’espoir raisonnable. Il s’agit par-là d’éviter l’acharnement thérapeutique ou l’obstination déraisonnable qui ne sont en aucun cas une obligation morale. Pie XII distinguait lui-même les soins extraordinaire qui sont facultatifs et les soins ordinaires et (Jean-Paul II parle de soins proportionnés ou disproportionnés) qui sont dus à toute personne est dont font partie l’hydratation et l’alimentation dans son Discours sur les problèmes de la réanimation du 24 novembre 1957. Voici le passage in extenso : « La raison naturelle et la morale chrétienne disent que l’homme (et quiconque est chargé de prendre soin de son semblable) a le droit et le devoir, en cas de maladie grave, de prendre les soins nécessaires pour conserver la vie et la santé. Ce devoir, qu’il a envers lui-même, envers Dieu, envers la communauté humaine, et le plus souvent envers certaines personnes déterminées, découle de la charité bien ordonnée, de la soumission au Créateur, de la justice sociale et même de la justice stricte, ainsi que de la piété envers sa famille. Mais il n’oblige habituellement qu’à l’emploi des moyens ordinaires (suivant les circonstances de personnes, de lieux, d’époques, de culture), c’est-à-dire des moyens qui n’imposent aucune charge extraordinaire pour soi-même ou pour un autre. Une obligation plus sévère serait trop lourde pour la plupart des hommes, et rendrait trop difficile l’acquisition de biens supérieurs plus importants. La vie, la santé, toute l’activité temporelle, sont en effet subordonnées à des fins spirituelles. Par ailleurs, il n’est pas interdit de faire plus que le strict nécessaire pour conserver la vie et la santé, à condition de ne pas manquer à des devoirs plus graves. » Dans ce même discours Pie XII précise que l’on peut enlever l’appareil respiratoire en cas d’inconscience profonde sans espoir d’amélioration.Les soins extraordinaires ne sont pas interdits mais ne sont en aucun cas une obligation morale. La difficulté est de définir la notion de soins ordinaires et extraordinaires. Certains soins qui étaient extraordinaires il y a 50 ans sont devenus ordinaires aujourd’hui dans notre pays mais ne le sont toujours pas dans les pays sous-développés. Il est tout à fait possible que dans le cas décrit il y ait eu une erreur d’appréciation diagnostique mais pas forcément (je n’exclus rien) une volonté d’euthanasie.
Il existe par contre effectivement une euthanasie hypocrite dans la loi Claeys Leonetti (cela a été très bien expliqué par Jean-Marie le Méné) mais pas du fait que l’on débranche malade. Cette euthanasie hypocrite est en rapport avec premièrement la sédation profonde et continue qui va accélérer la mort par dépression respiratoire. Cette sédation profonde et continue est aujourd’hui systématique alors que dans beaucoup de cas une sédation proportionnée serait suffisante. On ne peut donc pas appliquer la règle du volontaire indirect à la sédation profonde et continue si elle n’est pas proportionnée (Pie XII autorise la sédation profonde sous le nom de narcose dans son discours du 24 février 57 mais pour des raisons sérieuses). La deuxième raison pour laquelle il s’agit d’une euthanasie hypocrite repose sur l’arrêt total de l’alimentation et de l’hydratation qui ne sont pas des traitements mais des soins de base dus à tout individu. C’est comme cela que l’on a assassiné Vincent Lambert alors qu’il ne rentrait pas strictement dans le cadre de la loi Claeys Leonetti car il n’était pas en fin de vie.
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