Pour honorer le 1700e anniversaire du concile de Nicée (qui commença le 20 mai 325), j’ai décidé d’apprendre le « symbole de Nicée-Constantinople » en grec. J’y ai été incité par le fait d’avoir sous la main la nouvelle édition des divines liturgies byzantines publiées par DEISIS, et aussi parce que lors des célébrations pascales je l’ai entendu à plusieurs reprises, lors des offices que je suivais sur internet, retransmis en direct d’Athènes : ce qui m’a permis de constater que ces offices étaient intégralement en grec biblique, y compris l’épître et l’évangile.
Je me suis rendu compte d’abord que je ne connaissais pas du tout le texte grec, alors que je connais un certain nombre de textes grecs de la liturgie byzantine : c’est tout simplement qu’à Saint-Julien-le-Pauvre, que j’ai fréquentée pendant près de trente ans, on le disait toujours en français.
La première approche est surprenante, car on se trouve face à une cascade de participes substantivés à l’accusatif, dont plusieurs avec l’article. C’était certes courant en grec ancien, mais ça ne correspond à rien en français et sonne donc quelque peu exotique. Littéralement « (je crois dans) le du Père né avant tous les siècles », « le pour nous les hommes et pour notre salut descendu des cieux »…
Et quand on arrive au Saint-Esprit, c’est « le du Père procédant ». ἐκπορευόμενον. (Ekporèvoménon.)
C’est le fameux verbe qui est devenu le terme technique pour désigner la procession du Saint-Esprit. Et seulement elle. Les latins, du haut de leur arrogance, n’ont jamais seulement essayé de comprendre qu’un Grec qui répète tous les jours « τὸ ἐκ τοῦ Πατρὸς ἐκπορευόμενον », et qui sait que ce verbe ne s’applique qu’au Saint-Esprit provenant du Père, ne peut pas admettre qu’on ajoute le « Filioque ». Parce que l’expression « qui procède – ἐκπορευόμενον – du (Père et du) Fils » ne se trouve chez aucun père de l’Eglise, dans aucun texte des sept conciles, et même est explicitement niée à partir de saint Jean Damascène. En fait, quand on lit les pères grecs, on voit que c’est le mouvement même de la pensée qui est étranger à toute idée d’une procession du Père et du Fils « comme d’un seul principe ».
Le texte grec du Credo fait prendre conscience du parallèle qui est fait entre le Fils et le Saint-Esprit.
Le Saint-Esprit est dit
τὸ ἐκ τοῦ πατρὸς ἐκπορευόμενον
(to ek tou patros ekporevomenon)
ce qui répond exactement à ce qui est dit du Fils :
τὸν ἐκ τοῦ πατρὸς γεννηθέντα
(ton ek tou patros gennithenda)
Littéralement, de même que le Fils est « le du Père né », le Saint-Esprit est « le du Père procédant ». Il n’y a pas de place pour « et du Fils ».
Or l’expression indiquant l’origine du Saint-Esprit a été ajoutée par le concile de Constantinople. Le parallélisme a donc été voulu.
C’est sans doute ce que le pape Léon III avait compris et avait voulu manifester lorsque, résistant à Charlemagne qu’il avait couronné et à ses théologiens, il fit apposer à Saint-Pierre de Rome, en 809, deux plaques d’argent où était gravé le Credo en latin et en grec, tous deux se terminant par : « Moi Léon, j’ai posé ces plaques par amour et pour la sauvegarde de la foi orthodoxe. »
N.B. L’Eglise latine dit célébrer le 17e centenaire du concile de Nicée. Mais dans sa néo-liturgie le Credo de Nicée-Constantinople est optionnel et donc très rarement dit. En revanche dans la liturgie byzantine il est dit à chaque messe (y compris en semaine), ainsi qu’aux complies, et il fait partie des prières usuelles du fidèle.
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Je ne suis pas sûr de comprendre où vous voulez en venir.
Que faut-il croire? L’Eglise se trompe-t-elle dans sa profession de Foi tous les dimanches? Qu’enseigne-t-elle concrètement sur le sujet?
Quelle est la nuance entre « né » et « procède »? Si le Saint-Esprit procède seulement du Père, n’y a-t-il alors pas de distinction d’avec le Fils, puisque Dieu étant un, les distinctions ne peuvent être que la conséquence de relation différentes (si j’ai bien compris mes cours de dogme).
Pourquoi serait-ce les latins qui seraient arrogants?
Pourriez-vous je vous prie expliciter davantage votre raisonnement? Merci.
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Je me permets de vous renvoyer à ce texte :
https://archives.yvesdaoudal.fr/2024/01/18/le-filioque-6480870/
Et éventuellement à celui-là.
Il n’y a pas une « nuance » entre né et procède, mais une véritable différence, comme les mots eux-mêmes le montrent. Aucun théologien n’a dit que le Saint-Esprit naît du Père ou que le Fils procède (ἐκπορευόμενον) du Père. Les deux actes sont d’ailleurs ineffables et incompréhensibles. Comme ils sont distincts ils aboutissent à deux personnes distinctes, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont les deux « mains de Dieu », comme dit souvent saint Irénée. Et Dieu n’a pas une main qui procède à la fois de lui et de son autre main.
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[…] le 1700e anniversaire de ce concile, qui s’est ouvert le 20 mai 325, comme je l’ai souligné ce 20 mai. L’an dernier j’avais reproduit le synaxaire de ce jour, qui retrace l’histoire du […]
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