Le Missel de Stowe

Voici présenté pour la première fois le « Missel de Stowe », texte latin et traduction française par Stéphane Torquéau. C’est un témoin important de l’histoire de la liturgie, puisqu’il s’agit de l’unique missel de l’antique chrétienté celtique qui nous soit parvenu, en dehors du « Missel de Bobbio » qui est aujourd’hui davantage considéré comme un texte composite que comme un missel irlandais.

Son nom vient de ce qu’au début du XIXe siècle, alors qu’on ne connaissait pas son existence, on l’a découvert dans la collection de livres anciens du marquis de Buckingham en son château de Stowe House, en Angleterre. En 1883 la collection se retrouvera à la British Library, et les livres irlandais, dont le missel, seront remis à l’Académie royale d’Irlande où il se trouve toujours.

L’hommage qu’il contient permet de le dater assez précisément (entre 792 et 812) et de le localiser : il a été écrit au monastère de Tallaght, près de Dublin.

Il y a là non seulement l’ordinaire de la messe, mais aussi le rituel du baptême, un « rituel des malades », et une brève explication de la messe, très précieuse parce qu’elle montre notamment qu’avant la messe publique il y a un office de préparations des dons (comme dans la liturgie byzantine) et une fraction de l’hostie en parcelles, de 5 à 65 selon les temps et les fêtes, chaque nombre ayant une signification symbolique. Contrairement à la liturgie byzantine où l’on prélève les parcelles au moment de la préparation des dons, la disposition des parcelles (en forme de croix) ont lieu après la consécration, au moment de la fraction.

L’ordo missae est élaboré selon trois sources : le missel romain, avec notamment le canon (curieusement appelé « du pape Gélase »), des influences byzantines (la prière litanique qui en vient directement mais qui est dite « de saint Martin »), et tout un ensemble de prières qui sont spécifiquement irlandaises, avec notamment deux très longues litanies des saints, et de belles prières pour la communion. Il y a aussi le « commencement de la messe pour les pénitents vivants » et les oraisons pour la messe des morts. L’analyse de la messe par Stéphane Torquéau permet d’en suivre pas à pas le déroulement et de voir les variantes des textes empruntés au missel romain.

Le rituel du baptême est également influencé par la liturgie byzantine : on voit que les trois sacrements de l’illumination sont donnés en même temps (y compris aux petits enfants) : baptême, confirmation, eucharistie, la confirmation étant une onction du chrême accompagnée de trois oraisons.

Quiconque s’intéresse à la liturgie fera de passionnantes découvertes qui sont autant d’aliments à la méditation et à la prière.

Publié par les éditions Ar Gedour, le livre doit être commandé sur le site lulu.com.

L’original du « Missel de Stowe » est intégralement visible sur le site Irish Script on Screen. Voici la première page, qui est le prologue de saint Jean, et le début de la messe (Peccavimus, Domine …). Stéphane Torquéau donne opportunément les numéros de folio de l’original dans le texte latin.


En savoir plus sur Le blog d'Yves Daoudal

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

3 réflexions sur “Le Missel de Stowe

  1. Très belle oeuvre.

    Cela me fait penser au livre de Kells qui représente les quatre évangiles avec des enluminures celtiques exceptionnelles. C’est un chef d’oeuvre qui se trouve au Trinity Collège de Dublin et est accessible en visite depuis leur site internet. https://www.visittrinity.ie/book-of-kells-experience/

    Je rappelle que sans les moines copistes irlandais, l’histoire, les mythes et les légendes celtiques de ce beau pays auraient disparues, la tradition s’en transmettant par voie orale non écrite. Ce sont les religieux catholiques qui ont permis qu’on connaisse aujourd’hui la culture païenne.

    J’aime

  2. Merci beaucoup pour la recension. Je me permettrai juste une petite remarque. Il ne s’agit pas ici  d’influences byzantines, mais très certainement, d’influences de la messe syriaque ! Et de nombreuses prières proviennent également des missels gallicans. Quand au canon Romain, son vrai nom est « le Canon de Gélase, » qui d’ailleurs a été rédigé à Reims très certainement :). Quoi qu’il en soit, encore un grand merci pour la recension. Stéphane TORQUÉAU

    J’aime

Laisser un commentaire