Dimanche dans l’octave de Noël

La messe de ce dimanche est en quelque sorte la quatrième messe de Noël.

L’introït est très impressionnant (c’est aussi l’antienne du Benedictus aux laudes) :

Dum médium siléntium tenérent ómnia, et nox in suo cursu médium iter háberet, omnípotens Sermo tuus, Dómine, de cælis a regálibus sédibus venit.

Traduction littérale : « Tandis que tout tenait le milieu du silence, et que la nuit dans sa course était au milieu de son chemin, ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue des cieux, des trônes royaux. »

Le texte de la traduction latine du livre de la Sagesse dans la Vulgate (qui n’est pas de saint Jérôme) dit « Sermo », mais le texte grec dit bien « Logos ». Il s’agit du Verbe. Sermo désignait la parole de Dieu dans les vieilles latines, et les premiers pères latins employaient donc souvent Sermo pour désigner le Verbe.

Or, dans le contexte du livre de la Sagesse, il s’agit de l’Ange exterminateur qui tue tous les premiers nés de l’Egypte. Cet Ange « Logos » est Jésus qui délivre le peuple d’Egypte, comme le souligne saint Jude dans son épître (du moins dans le texte latin et le texte grec du Vaticanus et de l’Alexandrinus, car c’est « le Seigneur », sans précision, dans les autres manuscrits grecs et la tradition byzantine). Il ne vient pas tuer les premiers nés, il est le Premier né d’une multitude de frères qu’il vient sauver.

Le graduel et l’alléluia évoquent la royauté de celui qui vient de naître, royauté pleine de gloire, de force et de beauté.

L’antienne d’offertoire (qui comme l’alléluia est celle de la messe de l’aurore) évoque le Verbe créateur : celui qui vient de naître est de toute éternité. Il a affermi le globe de la terre et en a fait son trône depuis lors.

Et l’antienne de communion, in fine, nous ramène à l’histoire de la nativité : alors que la sainte famille s’est réfugiée en Egypte, l’ange dit à Joseph de ramener l’enfant et sa mère dans le pays d’Israël, car ceux qui voulaient le tuer sont morts.

La péricope évangélique de ce dimanche est également étonnante. C’est la suite de l’évangile du 2 février. La deuxième partie de l’épisode de la Présentation au Temple. Mais dépourvue de tout repère de temps et de lieu.

« Joseph et Marie, la mère de Jésus, étaient dans l’étonnement pour les choses que l’on disait de lui. » Cette première phrase peut donc s’appliquer aux bergers, aux mages, à tous ceux qui vinrent à Bethléem, ainsi qu’à ceux qui vont dire quelque chose dans la suite de cet évangile : Siméon et Anne, et aussi (comme le suggérera l’antienne de communion) aux Egyptiens et aux Juifs d’Egypte qui auront rencontré, nourri, hébergé la sainte famille. Et il n’y a pas de raison de s’arrêter là. Joseph et Marie auront de quoi être dans l’étonnement jusqu’au Calvaire et à la Résurrection.

Cet évangile est d’ailleurs l’occasion d’entendre la célèbre prophétie de Siméon disant à Marie qu’un glaive transpercera son âme. Et c’est aussi l’occasion de remarquer ce qui, dans ce riche récit, passe souvent inaperçu : la vieille prophétesse Anne « se mit à parler de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël ». La bonne nouvelle annoncée par les anges le jour de Noël a déjà trouvé une voix pour la propager.

*

La liturgie latine fait lire à partir d’aujourd’hui et jusqu’à la Septuagésime les épîtres de saint Paul. On commence donc par l’épître aux Romains. Et au premier chapitre on peut lire ceci :

Dieu les a livrés aux désirs de leur cœur, à l’impureté, en sorte qu’ils ont déshonoré eux-mêmes leurs propres corps : eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni dans tous les siècles. Amen. C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions honteuses ; en effet leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature. De même aussi les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont embrasés dans leurs désirs les uns pour les autres, les hommes commettant l’infamie avec les hommes, et recevant en eux-mêmes le salaire dû à leur égarement. (…) Ayant connu la justice de Dieu, ils n’ont pas compris que ceux qui font de telles choses sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais encore ceux qui approuvent ceux qui les font.

Le verbe généralement traduit par « approuver » ne veut pas dire, tant en grec (συνευδοκέω) qu’en latin (consentio) approuver fermement et formellement, mais simplement être d’accord.

On constate que l’Eglise de Rome a répudié l’épître aux Romains puisque, sans approuver dogmatiquement les relations sexuelles contre nature, elle est assez d’accord avec ceux qui les pratiquent pour procéder à la bénédiction des « couples » de même sexe.


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7 réflexions sur “Dimanche dans l’octave de Noël

  1. C’est curieux, «omnípotens» dans «omnípotens Sermo tuus» et «de cælis» dans «de cælis a regálibus sédibus venit» ne sont pas traduits…

    «recevant en eux-mêmes le salaire dû à leur égarement»: 1930 années avant, Saint Paul prédisait le SIDA non transmis administrativement!

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  2. (L’écran du téléphone s’est figé, j’ai dû cliquer «Réponse» pour ne pas perdre le texte déjà tapé: je continue icitte…)

    à sa traduction (collection Budé? Éditions Garnier? grec? latin?): depuis ce jour ancien, so I.) Soit en juxtaposant par la virgule «de cælis» et «a regálibus sédibus»

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  3. (Encore parti trop vite!…)

    D’autres traduisent «(Elle) est venue des Cieux du Trône royal.», «a regálibus sédibus» complément de «cælis», plus de virgule, pluriel de majesté pour «regálibus sédibus». Bref, seule solution: recourir à l’original grec du «Livre de la Sagesse». Ça tombe bien, je suis un non-spécialiste reconnu du grec, tant ancien que moderne…

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  4. Dans votre dernier paragraphe, il faudrait peut-être préciser : « au bréviaire, à l’office de nuit », parce que pour la messe, c’est différent. Bonne et sainte octave !

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